Entre la dame en vert et le dandy

Publié le par pandora

Je vous disais dans un article précédent que la saison était pourrie, et ça se confirme. 

Si vous avez eu le courage d'affronter le front de mer (c'est le cas de le dire), vous aurez constaté que c'est la désolation : promeneurs sous coupe-vents, panneaux vitrés tournés vers l'ouest en boucliers, relents de friture (ça ce n'est pas la faute à la méteo, hélas ! ).

On a même à Dieppe comme dans les stations de la Riviera, des chaises- longues avec parasols (parapluies ? ) tournant le dos à la mer, donc faisant face aux passants sur la promenade.

"Regardez- moi, je rôtis en direct-live , donc je suis."

Sauf que de rôtissage, il n'y a point, vu les nuages et la petite fraîcheur ambiante !
Donc ces commodités du bronzage, restent là, béantes, inutiles et improductives, parce que, de 10heures à 16 heures à 4€, aujourd'hui, ça fait cher du rhume.


D'autant que, si on regarde bien, quelques mètres plus loin, on peut se prélasser à l'oeil dans de fonctionnelles et très chics  "chiliennes" rouges, (c'est le mot, je crois pour la demi-chaise longue ) dans le périmètre de la petite cabane "Lire à la plage".

Fuyant donc l'ambiance arrière- saison assez déprimante, j'ai l'intention d'aller faire mes civilités à la dame en vert et au dandy.

Comment, ça, vous ne connaissez pas ?

Ca se passe au musée de Dieppe juste au-dessus d'un grand escalier

 Et là, je vais vous parler de peinture.

Dans un cadre, une jeune femme en vert, très court vêtue, très décolletée, très maquillée fixe le visiteur d'un regard lavande.
Un regard de défi, un regard provocant.
Elle tient un fume-cigarette dans  sa main gauche qu'elle a posée sur sa cuisse...Vous détournez quelques secondes les yeux, vous y revenez, elle vous fixe encore de là-haut.
Qu'attend-elle de vous ?

Dans le cadre voisin, un dandy impeccable : canne à pommeau d'argent, gants de chevreau, pantalon gris, redingote noire, col cassé sur cravate de soie grise piquée d'une goutte de diamant.
Point de catleya à la boutonnière, comme chez Proust, mais une rose jaune. Teint pâle, monocle, moustache, chapeau haut de forme. Tout en longueur. Tout en froideur.
Rien à attendre de lui ?

A côté, un autre cadre : une petite fille pâlichonne émerge d'un somme.  Appuyée elle se tient au dossier du canapé. Position inconfortable, les yeux embrumés. 
Dérangée dans son sommeil ?

Ces trois portraits m'ont toujours raconté une histoire :

Alors voilà, depuis le temps que les impératifs des accrochages les ont placés côte à côte, ces voisins de palier ont fini, malgré leurs différences à faire connaissance.

S'ils se tiennent tranquilles aux heures ouvrables du musée, le soir venu et  les salles désertées, la jeune délurée dénudée reprend sa cigarette abandonnée, et lascivement envoie un nuage de fumée vers notre dandy qui n'en peut plus, et ces deux-là sortent de leurs cadres, sortent de leurs gonds, bref,  se dévergondent.

Tout serait pour le mieux  sauf que :

la petite fille fragile n'en finit pas de se  réveiller.

C'est quand même un comble de les avoir fait cohabiter avec cette enfant .

 Il faudrait revoir l'accrochage afin qu'ils puissent enfin , enfin...vous voyez ?

Vous ne me croyez pas ?

Eh! bien allez au musée sur la falaise, l'ambiance est autrement plus chaude que sur la plage !





































Kees Van Dongen : L'écuyère, vers 1920
Château-musée de Dieppe                                                                         Jacques -Emile Blanche : Louis Metman, 1888
                                                                                                                               Château-musée de Dieppe

Et la petite fille alors ?

Chut, elle dort

                                                                                                                                                                   Jacques -                            
Pas de dessous chics et chocs aujourd'hui, mon article à lui seul en était

Allez, boujou, Pandora




Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Bonjour<br /> J'habite dans les environs et je fréquente parfois le Château-Musée de Dieppe. Votre histoire de tableaux est intéressante. Je n'avais pas vraiment porté attention à eux. J'y veillerai lors de ma prochaine visite.<br /> Amicalement
Répondre
P
<br /> <br /> C'est vrai que, dans n'importe quel musée, lorsque l'on commence à regarder "autrement" les accrochages, il y a des coïncidences  qui bâtissent des histoires malgré nous. En fait, je vais<br /> vous avouer que j'ai été un peu indélicate dans cet article. J'ai attrapé au vol cette anecdote un peu polissonne, au cours d'une visite en compagnie d'une dame qui fait si bien sortir les<br /> personnages des tableauxpour leur donner vie. Si elle me lit, et je crois qu'elle le fait comme beaucoup de Dieppois, qu'elle me pardonne et veuille bien voir ici un hommage. Bien amicalement<br /> Pandora  <br /> <br /> <br /> <br />
G
C'est vrai qu'il est incompréhensible que ce film n'ait absolument pas été primé à Cannes.<br /> C'est d'autant plus surprenant que le jury de Sean Penn a émis des avis très politiques.<br /> Ne le ratez pas en tout cas quand il sera projeté au "caque". Je doutes en effet qu'il le soit au Rex.<br /> Bien à vous.
Répondre
P
<br /> Merci cher Guillaume, je fréquente cet endroit, et je suivrai vos conseils. Bien Amicalement,<br /> Pandora<br /> <br /> <br />
H
Savez-vous, Pandora que je m'étais déjà amusé à penser au troisième personnage,la jeune fille que vous ne montrez pas. Pudeur ? Il se fait que je reviens de Suisse. J'ai eu le plaisir de voir, à Martigny, l'exposition "Balthus" à la Fondation Gianadda. Comment ne pas évoquer le tableau "Thérèse Rêvant" ? Sommeil et éveil sentimental chez notre adolescente que certains voudraient à tort voir offerte, plongée dans des pensées licensieuses.<br /> Faites-nous encore rêver, Pandora ! Peut-être aurais-je un jour le privilège de vous croiser au Château-musée près de ces oeuvres. Je vous parlerai de Balthus.<br /> Au plaisir de vous lire<br /> Bien à vous
Répondre
P
<br /> <br /> prenons rendez-vous ......<br /> <br /> <br /> <br />
G
Une petite page poétique, dénuée de polémique. merci chère Pandora. La prochaine fois que j'irai au musée, je penserai à vous.<br /> Permettez-moi de partager avec vous ma dernière émotion : le documentaire animé "Valse avec Bachir". Si vous parvenez à ne pas avoir envie de pleurer à la fin, c'est que je vous connais mal.<br /> Bien à vous.
Répondre
P
<br /> <br /> Merci de cette bouffée d'émotion, cher Guillaume. Je n'ai pas encore vu ce film qui fut minoré à Cannes. Politiquement incorrect ? Amicalement<br /> Pandora<br /> <br /> <br /> <br />